7 Mart 2010 Pazar

Emploi saisonnier (2) : de la ville blanche à la cité divisée (Marseille-Diyarbakir)





arts visuels
Suite et fin de la visite que nous vous recommandons de faire à la galerie de La Friche de la Belle de Mai de Marseille. "Emploi saisonnier" expose également les travaux du collectif Xurban, en résidence phocéenne cet automne, ainsi que la proposition de l’artiste Sener Özmen, originaire de Diyarbakir au Sud Est de la Turquie.

Xurban est un collectif d’artistes fondé en 2000 cornaqué par Guven Incirlioglu et Hakan Topal, et dont les membres vivent et travaillent à Izmir, Istanbul, Linz et New York. Pour Marseille, ils ont conçu "La Ville Blanc", titre qui leur a été inspiré par un graffiti inscrit sur une de ces enseignes présentant un projet urbain et architectural en centre ville de Marseille. "La faute de genre, écrivent-ils, induit ici une erreur imminente qui n’est transposable ni en turc ni en anglais. La ville, mot féminin, accompagnée d un adjectif au masculin blanc, semble dire a priori que l’auteur du graffiti n est pas de langue française. Cependant, cette association de mots amorce une critique précise et souligne les politiques patrimoniales et les processus d embourgeoisement. Quand, marchant dans Marseille, nous nous sommes heurtés à ce panneau d’affichage et sa vision des projets à venir, nous l’avons rapidement connecté aux images similaires présentes dans différentes villes du monde et véhiculant la promotion d un imaginaire all-white pour une vie citadine exclusive".


Xurban Collective : "Proposed but not engaged" (installation, 2009) Et de poursuivre : "Les villes portuaires du pourtour méditerranéen partagent un destin commun à travers leur histoire, ce que l’historien Fernand Braudel explique clairement : à des temps de booms économiques se succè­dent des périodes de déclin pour ensuite rebasculer dans une nouvelle phase de croissance des activités nécessitant l’expansion des infrastructures portuaires jusqu’à leur délocalisation hors des centres-villes. Pour bon nombre de ports, incluant Istanbul, la désertion du front de mer est le prix à payer d’un développement de politiques néo-libérales, d’investisseurs et d’urbanistes. Alors que des conteneurs pleins de marchandises, du pétrole brut, des stocks de thon et un flot de touristes naviguent sur les mers, les continents sont connectés via des puissances sous-marines faites de câblages communica­tionnels et de pipelines de toutes sortes. Dans ce flux intense d’échanges sur et sous la Mare Nostrum, les villes européennes continuent d’op­poser une résistance aux migrations de populations indésirées, et les zones d exclusions (ne cessent) de se multiplier en France, en Allemagne, en Italie et dans bien d’autres pays d Europe. Ces aspirations à la création de richesses, impulsées par le nouvel ordre global d’une part et la formation d’une Europe élargie d’autre part, devraient exiger une prise en compte appropriée de ces acteurs en marge et jusque-là négligés".


Sener Özmen : "The Work" "Quelques-uns des mots qui, jusqu’ici, m’étaient mystérieusement interdits" (titre d’un poème écrit en 1936 par Paul Eluard et dédié à André Breton) présente les travaux photographiques et vidéos réalisés entre 2004 et 2009 par trois artistes originaires de Diyarbakir, cité située au sud-est de la Turquie secouée de conflits sociaux et politiques (notamment sur la question des minorités). Le trio d’artistes a pris à son propre compte le reste supposé des mots interdits d’Eluard. Amour, guerre, enfance, mariage, jusqu’à leurs relations au monde de l’art, sont traités de manière indécise. "L’amitié d’Eluard avec le peintre Max Ernst, tous deux situés sur des fronts opposés, se retrouvait dans leur constat de la force dévastatrice de la guerre, dans leur croyance en la fraternité entre les êtres, dans l’universalité de la pensée et la puissance réconciliatrice de l’art". Une vision partagée par Sener Özmen, Cengiz Tekin et Berat Isik, dans une réalité du présent aussi dure, une réalité où tous les fronts se valent jusqu’à ne plus trouver un camp avec qui s’entendre.


Sener Özmen et Cengiz Tekin : "Tractactus" (2006) Pour aller plus loin :

http://www.xurban.net
http://sener-ozmen.blogspot.com
http://cengiztekin.blogspot.com